C’était à Saint-Julien, bien avant « Me too ».

Le Comité local d’instruction primaire de la commune de Saint-Julien, convoqué par Monsieur le Maire, ensuite de la lettre de Monsieur le Sous-Préfet de Brignoles du 17 août 1846, à l’effet de donner son avis motivé sur la plainte formée contre l’instituteur communal de Saint-Julien

Vu les lettres écrites par l’instituteur à monsieur le Recteur de l’Académie à monsieur le Sous-Préfet de Brignoles le 7 et 25 juillet 1846

Vu la lettre de Monsieur le Sous-Préfet du 17 du courant

Considérant

– Que le Comité local avait été déjà informé des propos du Sieur B…., instituteur communal, à l’égard d’une demoiselle de cette commune, propos qu’il a répétés dans les lettres écrites à Monsieur le Recteur et à Monsieur le Sous-Préfet  et qu’on ne peut attribuer qu’à un pur motif de jalousie qui serait masqué sous l’apparence d’un excès de zèle à remplir ses devoirs envers la personne à qui il donnait de leçons à domicile puisque ce fut à l’occasion de ces propos que le comité local avait déjà adressé quelques remontrances à cet instituteur, lequel paraît n’avoir point profité des avis charitables qui lui furent donnés

– Que le rapport d’amitié qu’il suppose exister entre la demoiselle et l’homme marié, ne sont qu’une pure chimère aux yeux de tout le monde, que les liaisons n’ont jamais existé que dans l’imagination peut-être trop ardente de l’instituteur, qui, encore célibataire paraît avoir conçu de l’affection pour une personne qui n’en a jamais eu pour lui 

– Que la demoiselle appartient à une famille honorable, que son père et sa mère vivent encore

– Que les mœurs de la demoiselle sont pures et à l’abri de tout reproche, 

– Que l’instituteur, par sa conduite, a perdu la confiance des pères de famille tandis que depuis quelque temps son école a été désertée par les écoliers et qu’il est de toute certitude qu’ils n’y retourneront plus, 

– Que dans cet état de choses, il est de toute évidence qu’un plus long séjour de cet instituteur à Saint-Julien ne pourrait être que nuisible à ses intérêts personnels puisqu’il ne reçoit plus la rétribution des écoliers, nuisible à l’instruction et préjudiciable aux intérêts de la commune si elle était obligée de payer un instituteur qui ne recevrait dans son école pas même les indigents

– Que l’on doit espérer que le sieur B… ferait beaucoup mieux dans une autre localité alors qu’il serait éloigné de l’objet qui  paraît avoir causé des tentations trop vives dans son esprit déjà trop susceptible et trop ardent

– Que la position sociale de l’instituteur est malheureuse et que sous ce point de vue, la bienveillance que réclame l’humanité pour le malheur, doit être prise en considération dans cette circonstance où il s’agir de prononcer sur l’avenir d’un individu qui n’a aucun moyen d’existence autre que celui de sa profession d’instituteur

Par tous ces motifs, le Comité local est d’avis que l’instituteur B… doit être rappelé de la commune de Saint-Julien au plus tôt

Et il le recommande néanmoins à la bienveillante charité du Comité supérieur pour lui donner, dans une autre localité, un emploi qui puisse lui fournir le moyen de pourvoir à son existence et à ses besoins les plus pressants.

Epilogue

L’an mil huit cent quarante-six et le quinze du mois de novembre, monsieur le Maire expose que la place d’instituteur communal de cette commune est vacante, par la suite de la démission du sieur B….., l’instituteur primaire communal de Saint-Julien et qu’il est nécessaire de s’occuper de son remplacement pour l’intérêt de l’instruction publique…

Bien entendu, le successeur, venant de la commune de Valbelle, devra présenter – son brevet de capacité délivré par l’Académie de Grenoble

– un certificat de moralité délivré par le maire de la commune où il exerçait précédemment.

Délibérations communales – 1838-1851

Michel Courchet
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